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Yves Judic, formateur ARTES depuis 2018

« L’ennemi du manager, c’est son égo »

Entrepreneur dans l’âme, Yves Judic n’a presque jamais été salarié. « J’ai créé ma première entreprise à 22 ans, avec des amis », se rappelle-t-il. Agence de communication, centre d’appel ou encore négoce de matériaux de construction, il cumule 30 années d’expérience en tant que dirigeant, principalement à Saint-Nazaire. « À 50 ans, je me suis demandé comment je pouvais évoluer. Des clients m’avaient dit qu’au vu de mon expérience, j’avais sûrement des choses à transmettre », explique-t-il.

Devenu coach et formateur en management des équipes, Yves intervient pour ARTES depuis 2018. Passionné de rugby – il a passé 28 ans au club de Trignac, dont il occupait la présidence de 2012 à 2017 – il fait désormais office de pilier de l’équipe pédagogique. Rencontré en terrasse dans un café nantais après une journée d’animation de formation, il revient sur les évolutions du rôle de manager au cours des 40 dernières années.

 

En quoi est-ce différent de diriger une équipe en 2024 par rapport à tes débuts ?

« Ça n’a rien à voir. Il y a 40 ans, il y avait très peu d’accompagnement. Il fallait se débrouiller. J’aurais aimé être coaché à l’époque, mais personne ne le proposait. Aujourd’hui, ceux qui se plaignent de ne pas être aidé, c’est un peu de leur faute car il y a ce qu’il faut.

Quand j’avais une vingtaine d’années, le management était essentiellement directif, très descendant. C’est encore un peu le cas dans certaines organisations aujourd’hui. Je milite, et m’engage pour un autre style de management, basé sur la participation. Aujourd’hui, le manager doit être un stimulateur, un facilitateur pour que les gens collaborent ensemble. C’est un positionnement très différent ».

 

Il faut dire que le rapport au travail a aussi beaucoup changé depuis la crise sanitaire…

« Il y a une porosité entre vie professionnelle et personnelle que l’on ne peut pas empêcher et qu’il faut accepter, sans que cela devienne une contrainte. Si l’entreprise s’adapte à la vie de son salarié, il va vouloir y rester, et ça lui apportera de la motivation. Tenir compte de la vie personnelle de ses collaborateurs est très important, mais même il y a 10 ans, on ne se posait pas ces questions ».

 

« Quand on pense trop que l’on sait, ça pose un petit souci. L’égo, il faut l’avoir à l’œil »

 

Comment un manager peut s’adapter à ces changements ?

« L’essentiel, c’est qu’il faut savoir poser des questions. Si on veut faire travailler les équipes, il faut leur demander comment elles voient les choses : qu’est-ce qui serait bon pour atteindre tel objectif ? Tel niveau de performance ? Il faut être à l’écoute de ses salariés, et les impliquer. C’est plus agréable pour tout le monde, et particulièrement quand ils se sentent entendus et acteurs. L’ennemi du manager, c’est son égo. Quand on pense trop que l’on sait, ça pose un petit souci. L’égo, il faut l’avoir à l’œil ».

 

Tu n'es pas issu du secteur culturel, mais tu as appris à le connaître en intervenant chez ARTES. Quelles problématiques managériales y as-tu trouvé ?

« Ce qui est particulier, et que j’ai aussi connu dans le sport, c’est que les collèges sont plus complexes que dans une entreprise traditionnelle : on a des bénévoles, des membres du conseil d’administration, des salariés… Tant de statuts qui complexifient la tâche du manager.

La deuxième chose que je vois, c’est que l’on touche à « des métiers passion », avec des horaires particuliers, et où l’on fait plus facilement l’amalgame entre travail et plaisir. C’est parfois difficile à identifier et traiter pour les responsables. Pourtant, il faut savoir poser des limites. Il peut y avoir du surmenage, de la surchauffe… Un déséquilibre qui peut jouer sur la vie personnelle. Il faut faire très attention à tout cela ».

 

Pour répondre à ces problématiques, comment conçois-tu tes formations ?

« De manière très ouverte : j’essaie de faire des interventions assez courtes, rythmées par des exercices, des expériences. Après, on passe du temps à débriefer. Souvent, j’emmène les participants dans des endroits inconfortables, et c’est normal : ils viennent ici pour changer leurs habitudes. Sortir de sa zone de confort, ça peut être un peu anxiogène, dérangeant. À moi de leur donner de la confiance, pour qu’ils puissent expérimenter.

Si le cycle (« Réussir dans sa fonction managériale ») est construit en quatre modules, c’est aussi pour qu’ils puissent appliquer progressivement ce que l’on voit ensemble dans leurs structures. Séquencer, ça aide. C’est comme si on te présentait un bon gros gâteau : tu ne vas pas tout manger par peur d’être malade, mais si tu prends un petit bout de temps en temps, c’est digeste et tu vas l’apprécier ».