Témoignages
Masterclass à Tucson : pour Arianne, « c’était une sorte d’aubaine »
Autrice, compositrice, interprète ; passionnée de folk nord-américaine et « des grands groupes de rock indépendants », Arianna Monteverdi (son nom de scène) a voyagé à de nombreuses reprises aux États-Unis, et notamment au Texas, pour s'imprégner de la culture musicale locale. En 2023, c'est par le bouche-à-oreille qu'elle entend parler de la Masterclass « Desert Sounds » organisée par ARTES, à Tucson. L'occasion, pour cette cinéphile « inspirée depuis toujours par les grands espaces propres à l'Ouest américain », de nourrir ses compositions d'une nouvelle expérience Outre-Atlantique. Trois semaines en Arizona sur lesquelles elle revient avec nous, un an et demi plus tard...
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Comment as-tu entendu parler de la Masterclass, et qu’est-ce qui t’a donné envie d’y participer ?
« Je fais de la musique Old-Time. Ça se joue de façon un peu informelle, et très communautaire. Il y a des « jams » à Nantes qui étaient notamment chapeautées par Tilmann Voltz et Félix Masson, qui participaient à la Masterclass. C'est Tilmann qui m'en a parlé en premier.
Par ailleurs, j'avais déjà connaissance du jumelage de cœur entre Nantes et Tucson car je suis assez proche des musiciens des ex-Little Rabbits, qui sont à l’origine de cette histoire d'amitié musicale. Grâce à eux, j'avais déjà rencontré des musiciens de Tucson venus jouer lors d'un voyage à Nantes ».
Et donc, quand Tilmann t’en a parlé, ça t'a tout de suite donné envie ?
« Oui, je me suis dit que c'était une super opportunité. Je voyage régulièrement aux États-Unis depuis 12 ou 13 ans, plutôt au Texas où j’ai des amis musiciens. Là, c'était aussi l'occasion d'aller ailleurs, et d’essayer de voyager dans un cadre un peu plus pédagogique, car je suis très autodidacte. Je n’avais jamais participé à une formation comme celle-ci ».
D'autant que c'est un format peu commun…
« Oui… Disons que c’était une sorte d’aubaine. Je crois aussi que le fait que ce soit la première édition a apporté de la fraîcheur. Participer à un projet qui se fabrique, c’est risquer que certaines choses soient un peu bancales, mais d’un autre côté je savais que quelque part, on allait pouvoir inventer notre expérience. J’ai un peu un tempérament d’exploratrice, donc c’est quelque chose qui m'allait bien ! »
« Ces personnes-là, c’est des bouquins. C’est mieux qu'un personnage de film parce que ce qu’ils racontent, c'est leur histoire. »
Que retiens-tu de cette expérience ?
« On a eu le privilège de travailler avec beaucoup d'artistes différents en très peu de temps. Cette diversité, cette richesse… C’est ce que je retiens principalement. Parce que tu peux faire ces voyages musicaux par toi-même, mais rencontrer les artistes, ça prend du temps, et il faut qu'ils soient disponibles ! Le fait de partir avec des gens comme Laurent (Allinger) déjà implantés là-bas, c’est hyper précieux.
Ce qui m’a beaucoup plu, aussi, c’est qu’on a joué en live. J'aurais été frustrée de ne pas avoir d'expérience de scène. La formation est destinée à des musiciens professionnels. Ce qui nous fait vibrer, je pense, c’est de jouer, de sentir l’adrénaline. Je n’ai pas été déçue ».
Justement, dans une interview qu’ils nous ont accordé, Tommy Laszlo et Thomas Guiral – également participants de la Masterclass - nous ont dit avoir ressenti une vraie culture de la musique live, avec des musiciens qui jouent quasiment tout le temps. Tu confirmes ?
« Oui, totalement. Culturellement, c’est très différent. Déjà, ils ont beaucoup de lieux avec une identité forte. Et puis, surtout – même si on le voit aussi dans une ville comme Nantes – on sent que ce sont des gens qui ont envie de faire vivre leur lieu. En anglais, on parle de « statement ». Ils se disent vraiment : « ici, il y aura 4 concerts par semaine ». Beaucoup de gens ont envie de jouer et tentent leur chance. Il y a peut-être un côté un peu moins formel qu'en France pour faire un concert. Et par ailleurs, ce n'est pas pour ça qu'ils sont moins pros, bien au contraire ! Il y a beaucoup de très bons musiciens ».
Tu as parlé de la diversité des intervenants. Quels sont ceux qui t'ont le plus marqué ?
« J’ai beaucoup aimé la rencontre avec Vicky Brown, le cours d'impro. Déjà parce que c'était quelque chose que je n'avais jamais fait, ça me semblait un peu hors de portée. J’ai bien aimé la manière dont elle l’a amené, elle présente vraiment l'improvisation dans le contexte des grands espaces naturels et de ce que ça inspire là-bas. Ça m'a beaucoup parlé. C’était rendu accessible. Elle est hyper chaleureuse, très généreuse. Ça, c'était vraiment chouette.
Et puis, en tant que songwriteuse, la rencontre avec Billy Sedlmayr était vraiment forte. Il est très ouvert, très transparent par rapport à son histoire… c’est d’ailleurs quelque chose que tu entends dans ses chansons. C’est toujours un grand privilège de rencontrer ces gens qui ont une espèce de magnétisme. Ces personnes-là, c’est des bouquins. L'intensité de leur histoire est telle que leur réalité dépasse la fiction. C'est assez bouleversant ».
Un des moments marquants de la Masterclass, c’est cette après-midi de composition avec Billy, comment tu l’as vécue ?
« C'était très dense. Une sorte d’accouchement assez difficile. Cette manière dont les Américains travaillent, c'est très immédiat… Tu te retrouves d’un coup à écrire un morceau avec 6 ou 7 personnes que tu ne connais pas, du moins pas musicalement. Tu as à peine le temps de mettre un truc en place, et c'est enregistré. Il y a une espèce d'urgence, mais bienveillante. Je me rappelle que Billy avait vraiment bien dosé son intervention, avec des exercices d'écriture formidables. Tu vas vraiment chercher au fond de toi-même un truc pertinent à raconter, à partager, pour que le morceau soit authentique. Ensuite, il nous accompagne, mais il ne nous laisse pas tranquille. Il nous pousse. Il faut boire de l'eau ! Seuls on se serait peut-être arrêté au premier résultat. C'est un peu comme un prof qui voit où tu en es, et qui t’aide à monter les curseurs. Il est très humain et très sensible. En fait, il sent ce qui va marcher, il capte bien les gens ».
« De tout temps, l'homme a été inspiré par son environnement, qu'il soit urbain ou naturel. Et ça, on le ressent fortement là-bas. Très fortement »
On a parlé des rencontres avec les américains, mais mine de rien, il y a aussi les Français avec qui tu as vécu cette aventure…
« Oui parce qu’à partir du moment où les participants ont choisi cette formation, c’est parce qu’ils sont fascinés, passionnés ou au minimum juste un peu curieux. Forcément, ça favorise les atomes crochus. C’était intéressant de partager ça, même si je pense qu'on est tous différents. Ce qui était bien, c'est qu’on avait la liberté d’être dans cette dynamique de groupe avec des déplacements communs, mais c’était aussi possible de partir à deux ou trois, voire tout seul, pour explorer les environs. Dans la limite du raisonnable, évidemment, car on est aux États-Unis et qu’on ne fait pas n’importe quoi. Ce ne sont pas les mêmes codes culturels ».
Parce que c’est aussi un territoire spécial ?
« Oui, c'est très différent. Par rapport à la France, ce sont des paysages géographiques beaucoup plus denses. Là-bas, tout est immense. Ça m'a donné envie d’y rester trois mois, de prendre des photos, faire des vidéos et des randonnées ! De tout temps, l'homme a été inspiré par son environnement, qu'il soit urbain ou naturel. Et ça, on le ressent fortement là-bas. Très fortement ».
Avoir appris à connaître les autres participants en trois semaines, et se retrouver sur scène avec eux, c’était aussi quelque chose de fort ?
« C'était un échange amical, culturel et artistique assez fort, oui, c'est sûr ! On est allés aux États-Unis ensemble, et on s’est revu. Et puis on a eu la chance de faire ce retour de formation à Stereolux, en première partie de Brian Lopez. D’ailleurs, c’est marrant : on a retravaillé ensemble une journée en France, et ce n'était pas le même état d'esprit. C'était beaucoup plus posé qu’aux États-Unis. Je pense qu'il y avait un petit truc piquant un peu là-bas, d'excitation, de fatigue ou d'attente. C'était bien de se voir en France tous ensemble et de se redécouvrir même si l'expérience a été brève ».
C’était aussi une manière de conclure la chose ?
« Complètement. Je pense que c'était vraiment bien de faire ça ! Mais de mon côté, la page n'est pas encore tout à fait tournée : je travaille sur un projet de mise en musique d'images que j'ai filmées là-bas, des courtes séquences. Récemment, je me suis dis que c'était dommage qu'elles dorment sur un ordinateur, car il y en a des magnifiques. J'ai pensé à les faire vivre de cette manière. J'en suis encore aux prémices, mais il y aura quatre ou cinq morceaux, je pense ! À suivre ! »
À consulter : la Masterclass « Desert Sounds » organisée par ARTES à Tucson, en Arizona, dont la deuxième édition aura lieu à l'automne 2025 : du 28 octobre au 15 novembre 2025 inclus (départ le 27 octobre, retour le 18 novembre).
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