Accéder au contenu principal
Boris Thomas, formateur ARTES

Créations graphiques : « comprendre ce qu’il y a derrière un pixel » avec Boris Thomas

Issu du dessin traditionnel et de l’illustration, passé par l’animation (stop-motion) ou encore le fanzine, fort d’une expérience de directeur artistique au sein d’un studio de création dans une agence de communication parisienne avant de devenir graphiste indépendant, Boris Thomas se définit comme « un multilingue de l’image ». Lancé à son compte à Nantes en 2002, il met sa pratique au service du domaine culturel majoritairement depuis plus de 20 ans.

Sa riche expérience, Boris a commencé à la partager un peu par hasard en 2010. « J'étais dans une période professionnelle un peu creuse, et j’ai répondu à une annonce « cherche formateur ». Ça s’est fait très vite », retrace-t-il. De fil en aiguille, il prend goût à la pratique. « Je me suis rendu compte que ce que je racontais était compris, et surtout mis en application correctement », résume Boris. Devenu un membre incontournable de l’équipe pédagogique d’ARTES, où il intervient depuis 2014 sur les logiciels d’infographie de la suite Adobe (Photoshop, Indesign, Illustrator) mais aussi sur des logiciels libres (Scribus / Gimp), il nous a accordés quelques minutes.

 

Tu as commencé tes activités de formations il y a une quinzaine d’années, à quels types de profils es-tu principalement confronté ?

« Souvent, ce sont des chargé-es de communication ou de diffusion qui ont besoin d’un petit coup de pouce car,parfois, on leur attribue des responsabilités graphiques qu’ils ou elles ne devraient pas avoir. Ce sont des « couteaux suisses », alors qu’en réalité, tu ne peux pas tout gérer dans une compagnie ou dans un lieu. Mais il y a ce contexte économique et financier propre à la culture, qui force à trouver des solutions avec peu de moyens.

Mon rôle c’est de les aider à concevoir très rapidement un document de communication dans ses aspects techniques : ergonomie et graphisme. Normalement, en une semaine, les participants sont censés avoir assimilé les connaissances qui leur permettront, ensuite, de développer des compétences. À condition qu’ils aient le temps de travailler et de mettre en application rapidement ce qui a été abordé ! »

 

Ces « couteaux suisse », comme tu les décris, ce sont des cas assez spécifiques au secteur culturel ?

« Surtout dans le contexte actuel. Disons que dans les structures culturelles, il peut y avoir différents profils : des personnes qui sortent d’écoles d’art, de graphisme, ou de communication, avec un bagage technique et graphique qui tient la route, et sont donc à même de pouvoir concevoir et gérer un support correctement. Mais il peut aussi y avoir des chargé-es de communication qui n’ont pas tout ce langage ou apprentissage et qui, de fait, se débrouillent comme ils / elles peuvent. C’est de l’ordre de la bidouille, de l’aléatoire… Pour ces profils-là, la formation peut-être très bénéfique. Ils vont y apprendre, à concevoir techniquement un document, y inclure des visuels, gérer du texte de manière à mettre en page des dossiers de presse, ou gérer une déclinaison graphique sur différents supports, par exemple. »

 

Tes modules sont axés sur la suite Adobe et des logiciels libres, pourquoi ?

« Parce que ce sont des techniques d’infographie qui continuent d'être ultra performantes et pertinentes quand on conçoit l'image dans sa globalité. C’est ça que je vais leur montrer : on va commencer par décomposer l’image de manière à comprendre vraiment ce qu’il y a derrière un pixel, ce qui fera qu’elle sera de bonne résolution, ou comment on va l’intégrer sur différents formats : flyers, affiches, plaquettes…

Alors, c’est vrai que tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir la suite Adobe, surtout vu le contexte. Certains travaillent avec des logiciels gratuits, comme Scribus ou Gimp (le pendant de Indesign et Photoshop) qui marchent très bien, mais seulement jusqu’à un certain point, il n’empêche que ces logiciels libres permettent de bien concevoir des supports de communications, c’est ce qui importe. En formation, on travaille avec des outils qui peuvent faire face à tout type de situation. »

 

« Souvent, je vois des résultats géniaux de personnes qui n’y connaissaient pas grand chose avant de venir »

 

Sur les descriptifs, il est expliqué que tes formations sont conçues comme des ateliers dirigés. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

« En début de formation, je présente les logiciels dans les grandes lignes. Très vite, certains se rendent compte qu’ils utilisent Photoshop alors qu’Indesign serait plus adapté. On aborde les modes colorimétriques, la matrice d’une image… On défriche tous ces aspects, je montre des exemples, et les participants reproduisent. C’est un système assez efficace pour apprendre, car je leur laisse le temps dont ils ont besoin.

Une fois qu'on a fait pas mal de théorie et de mise en pratique, on peut commencer à travailler et à approfondir, tout devient alors plus concret : je leur donne des exemples, des matrices, des gabarits, avec du contenu visuel et textuel, qu'ils interprètent et composent à leur manière et parfois selon quelques légères contraintes…Comme ça, ils revoient et mettent en application tout ce que l’on a abordé.

« Et puis ensuite, il y a une troisième phase où ils sont libres de travailler sur ce qu’ils veulent. Généralement, c’est un moment où ils s’éclatent. C’est aussi là qu’ils vont faire le tri, savoir ce qui leur servira ou non. Là encore, je suis présent pour les accompagner, cela peut être aussi du cas par cas, des réponses à des besoins précis. Souvent, je vois des résultats géniaux de personnes qui n’y connaissaient pas grand-chose avant de venir, et là, je me dis : ok le mécanisme est enclenché. »

 

Tu as évoqué l’émergence de l’intelligence artificielle dans la conception de l’image, quel est ton point de vue sur ce phénomène ?

« Je pense que chacun doit voir l’IA à sa porte. Pour ma part, je trouve ça extrêmement intéressant, riche… C’est une révolution énorme. On est en train de se prendre un raz-de-marée. Je n’ai pas de position très ferme par rapport à ça, mais plutôt plusieurs avis qui se bousculent, en bien comme en mal. Au même titre que l’on nourrit l’IA, je me nourris de multiples points de vue sur elle.Je ne pense pas qu’on puisse avoir une opinion binaire pour le moment. Certains se mettent à utiliser l’IA car elle permet de gérer très vite des tâches chronophages ou fastidieuses. Ce gain de temps permet de se concentrer sur les idées ou concepts de manière à les faire évoluer, approfondir ou de les développer différemment. D’ailleurs les outils inhérents à l’IA sont déjà bien présents dans les logiciels d’infographie…

Maintenant, en termes de création, il faut bien être conscient que l’IA ne fera jamais l’image toute seule. C’est une question de posture : celui qui va s’en servir doit avoir conscience qu’il détient les rênes. S’il arrive à manipuler l’outil et à l’alimenter correctement, il arrivera à des propositions d’autant plus pertinentes. Etheureusement, nous avons encore un cerveau et un libre arbitre qui nous permet de ne pas prendre le résultat pour argent comptant. »

 

Personnellement, tu as recours à l’IA ?

« Oui, je m’en sers, et j’obtiens des résultats qui nourrissent mon travail de graphiste et d’illustrateur. Je récupère certaines choses, d’autres non. Derrière, je les exploite et retravaille par le biais d’autres logiciels.

L’IA un outil qu’il faut apprendre à utiliser en fonction de ce que l’on souhaite et avons vraiment besoin. D’un point de vue écologique, on se rend compte que c’est un gouffre total, et évidemment, je me sens écartelé là-dedans car l’outil peut-être très intéressant d’un point de vue personnel et professionnel. J’essaie donc de l’utiliser de manière juste, au mieux et non systématique. »

 

À consulter : nos formations en graphisme, illustration et mise en page.