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Tommy et Thomas, une amitié symbole de la « Tucson Connection »

Participants de la première Masterclass « Desert Sounds » organisée par ARTES à Tucson, en octobre 2023, Tommy Laszlo et Thomas Guiral se sont trouvés des aspirations communes. Leur rencontre à l’aéroport de Charles de Gaulle, puis leur aventure en Arizona a donné naissance à une véritable amitié, qui a elle-même débouché sur divers projets artistiques communs. Quelques jours avant la première représentation de leur « Folk Club », le jeudi 30 janvier, Tommy et Thomas sont venus travailler dans nos locaux. L’occasion de les revoir avec plaisir et se remémorer quelques souvenirs…

Interview par Elliott Bureau
le 14 février 2025
(lu 140 fois)

Entre Tommy Laszlo et Thomas Guiral, le « coup de foudre » a eu lieu dans l’avion. « On ne se connaissait pas avant de décoller, ça a bien matché pendant le vol », s’amuse encore le premier cité, un peu plus d’un an après le retour de Tucson. Co-responsable artistique de la compagnie La Bande Passante, à Metz, cet amoureux des États-Unis faisait office de participant de dernière minute à la première Masterclass « Desert Sounds » d’ARTES en Arizona« On était en train de travailler sur un projet : adapter en spectacle la BD retour à Sonora, de Nicolas Moog. Pendant la réunion, notre chargée de diffusion a trouvé cette formation, avec un volet vidéo. J’ai appelé, et je suis parti en tant que vidéaste », poursuit Tommy.

Le voilà donc installé dans l’avion aux côtés de Thomas : un musicien et régisseur qu’il ne connaissait pas une heure plus tôt. Ce dernier lui évoque rapidement de son grand projet : monter un spectacle sur la musique populaire américaine, sa passion. « Entre Tommy et moi, il y a d’abord eu ce coup de foudre artistique, puis amical, car on s’est retrouvé en collocation sur place. Au vol retour, il m’a dit qu’on allait se revoir, collaborer. Et il avait raison », rembobine Thomas, un peu plus de 24 heures avant la première représentation de leur premier « Folk Club » dans un théâtre : le TnT, situé à quelques rues seulement de nos locaux…

 

« Ce spectacle, c’est la Tucson Connection »

Mais en quoi ça consiste, au juste, un Folk Club ? « On est à mi-chemin entre de la conférence qu'on dirait gesticulée, et du conte, indique Thomas, concepteur dudit spectacle. L’idée est de raconter et surtout de contextualiser la musique que l’on écoutera juste après. D’où ça vient ? Pourquoi ? Comment on en est arrivé à ce résultat ? Ce qui est très intéressant, c’est qu’en racontant l’histoire de la musique, on raconte aussi l’histoire de l’humanité », poursuit ce touche à tout, capable de jouer aussi bien de la guitare, que du banjo, de la mandoline, du violon ou encore du piano. À la suite de cette mini-conférence, une représentation avec deux musiciens, dont Tilmann Volz, lui aussi participant de la Masterclass (vous l’aviez senti venir, non ?) qui interprètent des chansons traditionnelles ou de leur création dans le plus pur style « Old time » ou « Blue grass ». En bonus, la soirée se clôture avec une jam session à laquelle se joint Arianne Jacquet, également participante à l’aventure Tucson avec ARTES. 

« On peut dire que ce spectacle, c’est la Tucson Connection », glisse Tommy conférencier et illustrateur en chef du « Folk Club », qui dans sa première version, rend hommage à la musique des Appalaches (un vaste ensemble montagneux situé à l’Est des Etats-Unis, qui s’étend de Terre Neuve, au Canada à l’Alabama). Le concept vise à être dupliqué, et pourquoi pas au sujet de Tucson, ce carrefour où les influences culturelles se rencontrent, se mélangent et donnent naissance à une atmosphère unique : le Desert Sound. « Tucson, c’est une ville posée sur un immense ensemble désertique, c’est vaste. Ce sont des couleurs orangées, brunes, pas de verdure si ce ne sont les cactus… Une sorte d’épanouissement visuel. Et puis il y a ce multiculturalisme incroyable », poursuit Tommy, qui n’avait visité que New-York aux Etats-Unis avant de poser le pied à Tucson. De l’Arizona, il connaissait toutefois les têtes d’affiche via l’œuvre de Nicolas Moog.

 

Les abords de Tucson, "une immensité désertique", comme ici à Gates Pass.

À Tucson, « la musique passe au-dessus de l’artiste »

Thomas, lui, n’avait jamais voyagé Outre-Atlantique. Grand fan de Calexico, le groupe mythique de la région, il avoue qu’il n’en « connaissait que très peu autour de leur histoire et du style typique de Tucson ». Un mélange de musique mariachi et de cumbia infusé dans un melting-pot mexicano-américain. « Cela donne un résultat très riche », conviennent les deux amis. « Et puis, on a été confrontés à la réalité des musiciens américains, renchérit Tommy. C’est à dire, pas d'intermittence, il faut jouer tous les soirs… Même si chez nous, le régime d’indemnisation des intermittents est fragile, par rapport au système américain, c’est un luxe ! Chez nous, on peut passer plusieurs jours à répéter. Eux, ils sont dans l’urgence permanente et se disent “si je ne suis pas payé, je peux potentiellement vraiment crever de faim”… ». Bien souvent, les artistes sont obligés de s’impliquer dans des « Side-projects » - comprenez des projets annexes – pour mettre du beurre dans les épinards. « Brian Lopez, par exemple, qu'on voit comme un musicien typique du Desert Sound, son principal side project, c'est une espèce de cumbia-électro-cold wave avec son groupe XIXA ! Rien à voir ! », s’amuse Thomas, saluant la polyvalence du guitariste de Calexico qu’il a pu côtoyer en Arizona.

À Tucson, cette réalité donne parfois naissance à des scènes surréalistes d’un point de vue franco-français. « On a vu des artistes qui ne se connaissaient pas se découvrir en jouant, répéter quasiment en public, et faire un truc génial sur scène une heure plus tard », se rappelle Thomas. Une conception quasi artisanale qui traduit « un rapport très bosseur à la musique », d’après le créateur du « Folk Club ». « On s’est fait une réflexion avec plusieurs participants : on a eu la sensation que chez eux, la musique passe au-dessus de l'artiste. Ce qui est important, c’est comment on va faire pour que notre musique sonne bien ? »


La méthodologie américaine : « faire, sans avoir peur du cliché »

Jouer avant tout. Cette mentalité, les 16 participants de la Masterclass ont pu l’expérimenter sur place. Initialement inscrit comme technicien, Thomas a apprécié « la liberté de pouvoir faire autant de technique que de musique ». Il garde d’ailleurs un souvenir mémorable de l’expérience commune du groupe aux côtés de Billy Sedlmayer, auteur-compositeur et interprète, guitariste que la vie n’a pas épargné. « Billy, fatigué comme il peut l’être, nous a écrit un texte incroyable sur un coin de table. Alors qu’on ne lui avait donné que trois idées, poursuit Thomas. Après, en bon français, on a pas mal discuté sur la composition du morceau, On sentait les esprits un peu s'échauffer. Comment on va faire ? Est-ce qu'on met tel accord après tel accord ? À un moment, les américains nous ont dit : mais arrêtez donc de parler, jouez ! » Le résultat en bluffera plus d’un. Cette méthode américaine, « faire, sans avoir peur du cliché », Thomas Guiral et Pierre Le Normand - également de la partie en Arizona – l’ont importé en France. « On a travaillé avec un troisième musicien, et on a direct enregistré, réécouté… C’était d’une efficacité incroyable. En deux jours, on a pondu trois chansons dont on est super contents », s’enthousiasme-t-il à propos de cet autre projet musical, lui aussi, est né d’une rencontre à Tucson.

« C’était une vraie aventure humaine de partir à 19, comme ça, pendant trois semaines pour rencontrer ces musiciens américains, tous très pointus dans leur domaine », souligne Thomas, en guise de conclusion. Marqués par leur expérience américaine, lui et son acolyte ont pour projet un nouveau spectacle provisoirement appelé « Retour de Sonora » - clin d’œil à la BD de Nicolas Moog. « Notre désir, c’est de raconter les États-Unis à partir de notre rencontre dans l’avion, avec notre point de vue de Français, ce que l’on ressent sur place, explique Tommy. Ce ne sera pas à la manière d’un documentaire, mais par le truchement du dessin, de la BD, de la culture populaire américaine », poursuit l’illustrateur du duo. L’objectif, monter sur scène d’ici novembre 2026. Pour fêter les trois ans de l’aventure américaine, et de cette amitié née dans cette « Dirty Little Town » (petite ville salle) au fin fond du désert, pour reprendre l’expression favorite de Brian Lopez.

 

À consulter : la masterclass « Desert Sounds » organisée par ARTES à Tucson, en Arizona, dont la deuxième édition aura lieu à l'automne 2025 : du 28 octobre au 15 novembre 2025 inclus (départ le 27 octobre, retour le 18 novembre).