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Mécénat culturel : la recherche de fonds, un « vrai marathon »
Délaissé, pour ne pas dire abandonné par certaines collectivités locales (dans les Pays de la Loire ou l’Hérault, notamment), le secteur culturel doit urgemment trouver de nouvelles sources de financement. Questionnés sur la baisse des subventions, certains élus suggèrent une solution magique : se tourner vers les financements privés.
Soyons clairs - au cas où vous n’en étiez pas déjà convaincus - il est illusoire de penser que le mécénat compensera la baisse drastique des financements publics. Il peut néanmoins donner coup de pouce économique bienvenu, à condition d’y dégager du temps, des moyens, et d’élaborer une stratégie appropriée !
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Pour justifier ses coups de tronçonneuse dans le budget de la région Pays de la Loire dédié à la Culture – caricaturé, en une de l’édition du 21 décembre du journal Libération de « Massacre à la création » - Christelle Morançais aime rabâcher que « les subventions ne sont pas des acquis à vie » dès qu’un micro s’approche un peu trop près. Lorsqu’elle est interrogée sur la catastrophe certaine qui découlera de cette décision, la présidente de région avance la possibilité de trouver de nouveaux financements privés, via ce qui semblerait – dans son esprit – s’apparenter à une baguette magique : le mécénat.
« Il ne faut pas se leurrer : les fonds privés ne remplaceront jamais la perte en fonds publics », contrebalance Emmanuelle de Pétigny, qui accompagne des associations dans leurs recherche de financement depuis 15 ans. Forte de son expérience, elle co-anime le module « Développer le mécénat culturel » pour ARTES, en binôme avec Loïc Santos (chargé de mécénat et du développement des ressources de l'Opéra de Rennes). « Le mécénat doit être intégré dans une logique de co-construction de budget, mais ça ne remplacera pas l'intégralité des subventions », confirme ce dernier. Nos deux intervenants s’accordent sur le chiffre de 5% d’un budget annuel issu du mécénat comme un objectif ambitieux, mais raisonnable. « Dans une économie où l’état et les collectivités apportent leur soutien, le mécénat peut permettre de pérenniser ou de monter de nouveaux projets », indique Loïc Santos. Pour la baguette magique, on repassera, mais au vu du contexte, le coup de pouce ne peut-être que bienvenu.
Définir une stratégie, et accorder du temps !
Pour Emmanuelle de Pétigny, intervenante des deux premiers jours de ladite formation, l’objectif est donc, avant toute chose, de relativiser les attentes. « Que ce soit dans le secteur culturel ou non, les gens viennent parfois un peu la fleur en fusil en se disant que le mécénat va être LA solution, remarque-t-elle. Il faut comprendre que construire une stratégie, ça demande du temps. Ce n'est pas aussi simple qu'on le pense. Il m'est arrivé d'avoir des structures qui ont finalement décidé de ne pas y aller », poursuit-elle, qualifiant la recherche de fonds de « vrai marathon ». Et là-dessus, ce n’est pas Loïc Santos qui dira le contraire. « Il y a une forme de méconnaissance du métier. On peut se dire qu’envoyer des mails et des newsletters peut suffire, que ça va bien finir par tomber. C’est faux. Il faut faire au cas par cas, en fonction des besoins de l’entreprise que l’on démarche, de son positionnement stratégique, ses objectifs de RSE… Cela prend un temps considérable », pointe le chargé de mécénat de l’Opéra de Rennes. Un travail fastidieux, bien souvent négligé par les dirigeants des structures.
Être efficace dans sa recherche de fonds privés implique donc une phase primordiale d’étude du territoire : taille des entreprises, secteurs d’activités dominants ou encore la présence de siège sociaux de grands groupes. « Il faut aussi s’imprégner de ce que l’on pourrait appeler l'écosystème de la philanthropie locale, complète Loïc Santos. Y’a-t-il des entreprises qui ont une tradition de mécénat sur ce territoire ? Et auprès de qui ? De la culture, mais aussi des autres secteurs de l'intérêt général, comme la santé, la solidarité, ou le sport amateur… Si la réponse est non, il y a tout un travail de pédagogie à réaliser. Et le chemin peut être long », assure notre formateur.
Le mécénat nécessite un pouvoir de décision
Une fois le terrain balisé, le travail de démarchage peut commencer. À condition, là encore, d’avoir quelques éléments en tête. « Les dirigeants d’associations doivent être conscients qu’ils devront eux-mêmes se rendre disponibles pour la recherche de fonds », reprend Emmanuelle de Pétigny. « La dimension de représentation est très importante dans le mécénat, complète Loïc Santos. Les dirigeants n’auront pas à faire le travail technique, c’est-à-dire chercher les prospects ou organiser un évènement. Mais c’est à eux de rencontrer, et discuter avec les potentiels mécènes. » Ce qui nécessite un discours cohérent, partagé entre les équipes techniques et dirigeantes. « Il faut bien définir en amont le prisme par lequel on souhaite présenter la structure, résume Loïc Santos. Dans le sens inverse, il faut aussi réfléchir à la limite que l’on positionne pour le mécénat, car il y a toute une dimension politique derrière. Y-a-t-il des entreprises, ou secteurs d’activités avec lesquels, pour diverses raisons, on ne souhaite pas travailler ? Ce sont des questions à se poser en amont », pointe-t-il.
Disponible, engagée et cohérente, la direction idéale pour une recherche de financement privés doit, aussi, savoir laisser les coudées franches à son chargé de mécénat. « Si cette personne n’a pas de pouvoir de décision, ça peut être très compliqué », poursuit Emmanuelle de Pétigny. Car pour éviter « d’avoir à y retourner tous les ans », un travail de fidélisation du mécène est essentiel. Cela passe par l’engagement de la structure, et la qualité des contreparties proposées en échange de l’investissement financier. Pour s’engager sur la durée, un mécène ne se contentera pas seulement de l’avantage fiscal que lui procure son don. « Le mécénat rajoute une charge de travail sur toutes les équipes, insiste Loïc Santos. Avant de proposer un cocktail privé autour d’un spectacle, par exemple, il faut s’assurer que c’est techniquement possible de le faire, que ce genre d’activité supplémentaire ne mette pas les équipes en difficulté. Et tout cela a un coût induit ! Le mécénat est un moyen de trouver des fonds, mais pour en faire, il faut aussi dépenser de l’argent », rappelle-il.
D’abord former… les dirigeants
Dans un monde idéal, au vu de toutes les missions citées plus haut, la recherche de fonds privés devrait justifier l’ouverture d’un poste à temps complet. Bien entendu, sur ce point, la réalité économique du secteur culturel nous rattrape rapidement. « Peu de structures ont les moyens de financer un poste uniquement là-dessus, convient Emmanuelle de Pétigny. Mais il peut être intéressant de cumuler cette mission avec celle d’un chargé de communication, car ces deux domaines sont étroitement liés : plus vous faites parler de vous et plus c'est simple d'aller voir un potentiel mécène », poursuit-elle. « Typiquement, les éléments de communication peuvent être repris dans une campagne de mécénat », confirme Loïc Santos, lui-même rattaché au « service com » à l’Opéra de Rennes.
De toutes ces réflexions sur la méconnaissance du métier, Emmanuelle de Pétigny, Loïc Santos et la direction d’ARTES ont eu l’idée d’un nouveau module de formation à destination spécifiquement de la gouvernance des associations : « Réussir sa démarche de recherche de mécènes : stratégie, moyens et plan d'action ». « C’est vraiment une journée de sensibilisation à destination de publics en position de décision », précise Emmanuelle de Pétigny. L’objectif : être en mesure de définir une stratégie réaliste, adaptée à sa structure, et d’y allouer les moyens nécessaires, notamment d’un point de vue humain. En clair, le bagage essentiel pour initier une campagne de mécénat efficace, tout en évitant d’envoyer ses équipes au casse-pipe. Car pour réussir un marathon, tout coureur averti vous le confirmera, mieux vaut être bien préparé !
À consulter : nos formations « Développer le mécénat culturel » et « Réussir sa démarche de recherche de mécènes : stratégie, moyens et plan d'action » - Nouveauté !
Et pour aller plus loin : « Réussir sa mission de recherche de financements - Cycle spécialisé ».
« Projets culturels : réussir ses dossiers de financements publics ».
« Financer des projets culturels avec l'Europe : "EUROPE CRÉATIVE" - Sous-programme CULTURE ».
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